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Tour d’horizon des filières textiles françaises

16/06/2021

Il y a de cela 30 ans, l’industrie textile représentait pas moins de 460000 emplois en France, contre seulement 61000 de nos jours (source: Union des Industries Textiles, 2018). Que s’est-il passé? La plupart de la filière textile et notamment le coton, fibre principalement utilisée, est aujourd’hui cultivée et importée depuis l’étranger. Plus de 90% du textile vendu en France provient majoritairement d’Asie, mais aussi d’Afrique du Nord ou éventuellement des pays du Sud de l’Europe.

Au milieu de ce raz-de-marée de textile importé, quelques filières françaises vivent ou survivent, voire se développent: rapide tour d’horizon des principales filières de textile françaises.


LE LIN, CHAMPION DES TEXTILES FRANÇAIS

Le lin est l’une des plus anciennes matières textiles, les premiers fragments ayant été datés de plus de 36000 ans en Egypte. Importé ensuite en Europe, il est maintenant produit à 80% sur notre continent, la France en est même le premier producteur mondial! En comparaison au coton – qui nécessite environ 2500 litres d’eau pour produire un t-shirt -, le lin n’en consomme qu’une très faible quantité. Il pousse naturellement grâce au soleil et à l’eau de pluie et ne nécessite donc pas d’irrigation régulière lors de la cultivation. De plus, il ne requiert quasiment aucun pesticide, toutes les parties de la plante sont utilisables sans créer de déchet, les étapes de fabrication (teillage, filature, tissage, confection) ne consomment que peu d’énergie, et il peut être recyclé dans les filières textiles existantes.

Donnant un textile léger, plutôt résistant et absorbant mieux l’humidité que le coton, le lin est une matière naturelle végétale cultivée dans des milieux tempérés et proches de la mer. Il correspond donc parfaitement au climat français. Cultivé sur un système de rotation avec d’autres ressources, pour préserver la qualité des sols et protéger la biodiversité, plus de 112 000 tonnes sont récoltées chaque année dans l’hexagone. Malheureusement, le lin cultivé en France a été massivement exporté en Chine ou dans les pays d’Europe du Sud et du Maghreb pour y être filé. Il est ensuite réimporté pour les phases de tissage et de confection des vêtements. 

Depuis quelques années, certaines marques comme Le Slip Français, 1083, ou Spl!ce se sont lancées dans la reconstruction de la filière du lin, afin que cette dernière soit 100% française. Des ateliers de filatures ont été ouverts en Alsace et en Normandie, et chacune de ces marques propose aujourd’hui des collections entières de vêtements ou sous-vêtements en lin 100% français. Au sein du collectif AlterNativ, le lin est un matériau de prédilection que nous utilisons dès que possible pour concevoir nos projets. 

LE CHANVRE, ALTERNATIVE AU LIN 

Comme le lin, le chanvre est une plante cultivée depuis bien longtemps en France, et dont la fibre – la filasse - était utilisée autrefois dans l’équipement de la marine et l’habillement. En 1850, environ 75% du textile mondial était produit à partir du chanvre. C’est lors de la deuxième moitié du XXème siècle, et l’ascension du prêt-à-porter fabriqué en coton importé d’Asie, que les petites manufactures locales et cultures de chanvre françaises ont connu un déclin soudain. 

C’est tout aussi soudainement, et assez récemment, que la tendance s’est inversée. Fort de ses vertus vis-à-vis de l’environnement, le chanvre est aujourd’hui à nouveau sollicité par certains producteurs textiles mais souffre encore du retard pris sur les autres industries. En effet, en France, les méthodes de cultivation, transformation et fabrication n’ont pas été réellement développées ni mécanisées depuis plusieurs décennies. Pour autant, certains acteurs se sont penchés sur le sujet et travaillent aujourd’hui pour redévelopper la filière textile du chanvre dans l’hexagone, qui est actuellement le premier pays producteur en Europe. Certains, comme l’association Lin et Chanvre Bio, ont choisi d’appuyer la filière du chanvre sur celle du lin. L’objectif est de produire de la fibre longue textile en utilisant les installations linières et les entreprises de teillage qui sont en capacité de défibrer efficacement les tiges de chanvre.

Ce matériau, en plus d’être beaucoup moins gourmand en eau que le coton – environ 10 fois moins -, est aussi extrêmement résistant. Il ne nécessite aucun apport chimique pour être cultivé, possède des propriétés antibactériennes et anti-UV, et absorbe très bien l’humidité. Cette dernière caractéristique lui permet également de mieux absorber les teintures et de mieux retenir les couleurs, permettant donc d’économiser le colorant. En revanche, l’un des obstacles auquel fait face la fibre de chanvre réside dans sa texture. Plus rêche et rugueux que le coton, il est moins agréable au contact de la peau. C’est la raison pour laquelle une marque comme Levi’s, bien qu’ayant adopté le chanvre dans ses collections, est obligé de passer par un processus de «cotonnisation» pour adoucir la fibre. La bonne nouvelle, c’est que l’initiative de Levi’s de retourner au chanvre – les premiers jeans de la marque étaient déjà fait à partir de cette fibre en 1850 – a inspiré d’autres marques comme la danoise Ganni, qui a choisi de travailler également avec ce matériau.

L’ORTIE, MAUVAISE HERBE MAIS BON TEXTILE 

Il existe de nombreuses variétés d’orties, mais seules trois d’entre elles permettent de produire des fibres textiles: l’ortie de Chine, l’ortie de l’Himalaya et l’ortie Européenne. La première, la plus utilisée, est réputée pour ses qualités très proches de celles du lin et son aspect semblable à celui de la soie. Elle est cultivée et produite artisanalement en Chine et au Japon. La seconde est utilisée pour sa résistance, en combinaisons avec d’autres textiles, afin de fabriquer du matériel technique ou utilitaire. Enfin, l’ortie Européenne ou «grande ortie», était, elle aussi, utilisée à la même époque que le lin ou le chanvre, mais principalement pour la cellulose ou pour ses qualités médicinales.

La fibre d’ortie est plutôt résistante et souple, et les propriétés données au textile qui en découle varient selon les techniques utilisées lors du processus de fabrication. Il peut être très léger et souple ou bien plus épais et résistant. La plante elle-même se cultive dans les zones tempérées et ne nécessite aucun pesticide ni produit chimique. Elle peut être récoltée plusieurs fois par an sur une très longue période.

Aujourd’hui, le nombre de producteurs et de manufactures est extrêmement faible en Europe et en France, mais plusieurs programmes, comme le français NEWFIBRE, ont étés lancés afin de tenter de développer cette industrie. Depuis quelques années, des entreprises comme Emmanuel Lang ou Vin+Omi lancent des collections conçues avec des fibres d’orties, prouvant que c’est une alternative crédible au coton ou aux fibres synthétiques.

Si l’idée de concurrencer la filière textile du coton importé semble encore être une perspective lointaine, les alternatives durables et locales comme le lin, le chanvre et l’ortie sont tout à fait crédibles. AlterNativ Design cherche à encourager le développement de ces filières en utilisant dès que possible ces matériaux et en travaillant sur des projets qui y sont liés. Le seul manque à déplorer serait éventuellement celui de matériaux techniques performants, qui reposent en grande partie sur des fibres synthétiques. La création de pièces techniques 100% Made in France est aujourd’hui un immense défi, une piste à creuser?

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